Le blog du Club Nautique Mauzacois

Romain & Manu - Convoyage aller-retour Marseille/La Grande-motte

5 Avril 2017, 10:28am

Publié par CNM

moteur pendant 12h !

moteur pendant 12h !

nuage de pollution au-dessus de Fos/mer

nuage de pollution au-dessus de Fos/mer

Romain & Manu - Convoyage aller-retour Marseille/La Grande-motte
Romain & Manu - Convoyage aller-retour Marseille/La Grande-motte
Romain & Manu - Convoyage aller-retour Marseille/La Grande-motte
Romain & Manu - Convoyage aller-retour Marseille/La Grande-motte
Romain & Manu - Convoyage aller-retour Marseille/La Grande-motte
Romain & Manu - Convoyage aller-retour Marseille/La Grande-motte
Romain & Manu - Convoyage aller-retour Marseille/La Grande-motte
Romain & Manu - Convoyage aller-retour Marseille/La Grande-motte
Romain & Manu - Convoyage aller-retour Marseille/La Grande-motte
Romain & Manu - Convoyage aller-retour Marseille/La Grande-motte
Romain & Manu - Convoyage aller-retour Marseille/La Grande-motte

Presque cinq mois se sont écoulés depuis la Skiff Cup de Sanguinet, derniers moments partagés avec Romain avant son trip latino et avant la vente du 4000, mettant ainsi un terme à trois saisons de compétition et de partages riches en émotions. C’est donc avec un grand bonheur que nous nous sommes retrouvés en milieu de semaine dernière pour un convoyage de Grand Surprise du Frioul à la Grande-Motte et retour.

En réalité, c’est quinze bateaux de la société Team Winds qui ont quitté la rade de Marseille pour la Camargue afin de participer à une régate organisée à l’attention d’un comité d’entreprise. Le planning était donc très serré : départ le jeudi matin et arrivée le soir ; régate avec les clients le vendredi en début d’après-midi puis convoyage retour en urgence car certains bateaux étaient loués le samedi matin au Vieux-Port de Marseille pour la Massilia Cup. Le problème en mer, c’est que cela se passe rarement comme les horaires d’un métro suisse (si tant est qu’il y ait des métros en Suisse !)

Nous quittons donc le Frioul jeudi matin par un soleil resplendissant et un vent retentissant… de son absence. Bon ce n’est pas très grave parce qu’on avait plein de choses à se raconter et une thermo de café encore toute chaude. Voici le tableau : le moteur ronronne à 2500 t/mn, les quinze bateaux se suivent plus ou moins, les thons chassent la gallinette, les sternes plongent comme des cailloux, les cigales chantent au loin, enfin probablement parce qu’avec le moteur on entend à peine la VHF… Comme nous en avons très vite marre de tenir la barre, on cherche la meilleure solution pour l’attacher ; le vent qui rentre très légèrement par le sud nous aide un petit peu à appuyer la trajectoire et on finit par trouver un bel équilibre et un jeu rigolo : on abat ou on lofe en se déplaçant tous les deux sous le vent ou au vent selon la modification de cap souhaité. Ok, ça n’amuse que nous mais on s’occupe comme on peut n’est-ce pas !

Après une belle journée à polluer la Méditerranée, nous accostons à la Grande-Motte, station balnéaire typique des années 65-70, esthétiquement très décriée mais pas si inintéressante si l’on se donne la peine de comprendre l’époque et les choix architecturaux et urbanistiques. Je m’égare, désolé. Donc, on arrive à s’envoyer une petite Calzone et quelques bières dans un restau encore ouvert à 22h et ce sera dodo pour moi et re-bières pour Romain avec les autres skippers de l’opération.

Le lendemain, ces derniers sont briefés à plusieurs reprises tantôt par l’armateur, tantôt par les organisateurs et, quant à nous, on essaie de résoudre quelques problèmes matériels sur le bateau : réparation de la pompe à eau car les passes-coque ne sont plus étanches, démontage du tableau électrique car nous n’avons ni éclairage cabine, ni feux de route, ni feux de mouillage, ni éclairage compas et vu la navigation de nuit à venir, on s’inquiète quelque peu, enfin surtout moi évidemment. Finalement, seule la cabine daignera s’illuminer… ça nous fait une belle jambe.

Je passe rapidement sur l’après-midi « clientèle » bien que ce soit très drôle d’observer Romain déguisé en G.O. du Club Med’, avec son petit tee-shirt de circonstance et son panneau N°15 pour appeler son équipe… qui se classeront 13ème sur 15 à la première course et dernier à la seconde… bouhouhou, la honte ! Vers 17h30, il drope ses équipiers sur le quai et je réembarque dans la foulée direction le Frioul.

Le vent est bien établi à 17/18 nds, plein Sud-Est donc dans la tronche, avec une belle houle croisée d’1m. On sait que selon les prévisions, on ne va pas passer une nuit très reposante : du Sud-Est s’orientant Est-Sud-Est en arrivant sur Marseille et en se renforçant progressivement à plus de 25 nds, tout ça avec des grains, de fortes averses, une visibilité quasi-nulle… que du bonheur. La VHF égraine ses « BMS - Avis de grand frais » toutes les demi-heures : « sécurité, sécurité, sécurité, pour un bulletin météo spécial de la zone allant du Roussillon au Golfe de Fos, on passe canal 72, canal sept deux »…et patati et patata ! C’est assez incongru de partir volontairement dans la baston ; on voit la grosse masse nuageuse bien noire qui bouche l’horizon, et bien c’est exactement là qu’on va !

Alors nous n’avons pas été déçus. Faut dire que nous avions tout de même pas mal de raisons de nous inquiéter (oui, oui surtout moi, je sais). N’empêche, un seul ris dans la GV, la voile n’ayant pas d’œillet pour le second ris ; pas de moyen lumineux pour se signaler sachant qu’il y avait tout de même le rail de cargos du port de Fos à traverser ; pas de prise 12V pour l’ordi donc nav’ à l’ancienne avec cartes fatiguées, GPS, compas de relèvement et sans compas à pointes sèches parce qu’il m’est resté dans les doigts à l’aller ; pas de réchaud donc pas de café ; pas d’éclairage compas de route ; bref « tout à l’intention » !!!

Pendant la première partie de la nuit, nous sommes sous foc ORC et GV haute, HB blindé, on aplati le bas du foc et on laisse déverser le haut ; on régule au chariot de GV dans la plupart des cas ou à l’écoute dans les risées trop violentes. Ça, par contre c’est l’avantage des bateaux de régate : les réglages fonctionnent très bien. La houle est tellement courte que nous sommes obligés d’attaquer en permanence si l’on veut éviter que le bateau ne tape trop violemment dans la vague. Ce sont ainsi de grands mouvements de gouvernail en permanence, et en l’absence de compas visible et sans voir les penons de foc, on est contraint de barrer totalement à l’instinct et à la sensation. On admire d’ailleurs la complémentarité des cinq sens de l’Homme. On se fait secouer comme des boules de flipper, on tient difficilement debout et pour tout dire, c’est la première fois que j’hésite à m’attacher, je dois vieillir. On fait le point à quatre pattes dans la cabine sur une carte de plus en plus trempée. Nous avons profité de la première partie de nuit pour nous allonger une petite demi-heure chacun et effectivement cela n’a plus été possible par la suite. Personnellement, je me rends compte que je ne dépasse pas 30/40 mn d’efficacité à la barre, ensuite mes réflexes sont plus lents et le bateau marsouine ou tape trop souvent dans la vague. Du coup, on n’instaure pas réellement de quarts fixes. Je crois que l’on se connaît suffisamment désormais pour sentir naturellement quand reprendre ou quand lâcher la barre.

Comme annoncé, les conditions se dégradent entre la Camargue et Fos. Le chariot est bloqué sous le vent et la GV reste fréquemment à la limite du drapeau. On se décide à prendre le seul ris dont on dispose. La manœuvre se fait très bien et très rapidement jusqu’au moment où l’on doit hisser et étarquer la GV. Impossible de renvoyer sans déralinguer le guindant. Comme nous sommes assez prêts de la côte à ce moment-là, on essaie de réfléchir vite. Romain ne peut pas lâcher la barre et je ne peux pas hisser tout en guidant la voile. Finalement, on fait un renvoi de la drisse sur le winch de la contre-écoute de foc ce qui permet à Romain de faire des tours de manivelles et me libère les mains pour pouvoir engager la ralingue. Pfff, quelle galère.

Voilà, les heures s’enchaînent comme ça, des vagues ou de la pluie ou les deux en pleine tête, le vent monte avec probablement des surventes à 30 nds, la mer se creuse mais se range un peu mieux. On gère correctement les refus par de petits recalages au large mais sans trop s’éloigner du bord favorable. On rentre progressivement dans notre zone rouge. La fatigue devient pesante, les gestes se font lents, on a froid, l’intérieur est trempé et on est trempé de l’intérieur, on a l’impression de passer 10 mn à rouler une clope que l’on n’est même pas sûr de fumer en cas de vague traitresse.

L’aube se fait attendre. Les cyalumes vert et rouge que nous avions scotchés sur les hublots de la cabine, piètre signalisation s’il en est, arrivent au terme de leur insipide vie de bâton lumineux. Les dix derniers milles nous semblent un long chemin de croix. On rigole en se racontant nos hallucinations quand nos yeux se ferment et se rouvrent soudainement. Nous réussissons malgré tout à négocier une adonnante pour nous glisser dans le Nord des îles du Frioul. Avec le jour qui se lève et la préparation de l’arrivée, on connaît un regain d’énergie. Reste à apponter, plier les voiles mouillées, étendre les cartes mouillées, sortir nos affaires mouillées, jeter mon tabac mouillé, balancer quelques sceaux d’eau pour nettoyer le bateau (on ne peut pas faire mieux, il n’y a pas de balai-brosse,…entre autres !)

Il reste à contourner le bassin du Frioul pour rejoindre la navette, contourner le Vieux-Port de Marseille pour rejoindre la voiture (qui, chose incroyable, n’est pas à la fourrière) et rentrer dormir quelques heures à l’Escalette. Mais comme Romain a toujours des ressources insoupçonnées, il insiste pour griller sa paye de convoyage en huitres, oursins et vin blanc. Nous voilà donc à dix heures du matin, les yeux tout rouge et bouffis par le sel et la fatigue, après une nuit blanche éreintante, attablés au comptoir d’un bar/poissonnerie, à revivre dans le détail les quatorze heures d’une inoubliable navigation que les années futures rendront probablement pire que ce qu’elle fut réellement (oui, nous sommes à Marseille quand même). Au final, on ressortira deux heures plus tard, sous le rire un peu moqueur de la poissonnière qui reste sous le charme de notre démarche franchement chaloupée, …mal de terre ou vin blanc ? Je vous laisse deviner !

En conclusion, il est clair que malgré la météo, nous avons partagé un moment extraordinaire, un de plus me direz-vous ; certes, mais je pense que celui-ci restera gravé longtemps dans nos mémoires. Nous retiendrons également que le convoyage pour d’importantes sociétés de location est une bonne opportunité de naviguer si l’on est conscient que les enjeux financiers et les calendriers sont parfois prioritaires sur la sécurité des marins. Nous restons malgré tout libres de nos choix et c’est désormais en toute connaissance de cause que l’on acceptera ces conditions.

À titre personnel, je tiens à remercier Romain de me choisir comme équipier pour de telles aventures. Avec l’extension de son réseau marseillais, ce ne sont pas les possibilités qui manquent. Bon, et puis au diable la pudeur : quand je le revoie, tout timide et tout débutant sur les quais de Mauzac, et que je constate le chemin parcouru en tout juste quelques années, je suis sincèrement très fier de lui. Il s’est donné les moyens, il a fait de sa vie de marin une priorité sans concession et le résultat est aujourd’hui à la hauteur de son talent et de son engagement. Je suis vraiment admiratif, bravo my friend.

 

 

Arrivée au Frioul, il est temps de fermer les yeux !

Arrivée au Frioul, il est temps de fermer les yeux !

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C
un petit bout d’aventure et aussi une belle amitié qui fait chaud au cœur merci à vous deux
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R
Merci mon Manu ! Je n'en serais pas là sans toi !
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F
Merveilleux récit, je sens l'odeur des embruns et du mistral ...<br /> Je vous souhaite des "convoyages" à n'en plus finir... et l'envie furieuse d'en réaliser quelques-uns. Bises
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